• Laurent Bazin censuré ou auto-censuré? En tout cas le texte est là.


    Laurent Bazin est journaliste à I-télévision. À ce titre, il déjeunait mercredi 6 décembre au ministère
    de l'Intérieur avec le reste de l'équipe journalistique de la chaîne. Un repas souhaité par la direction
    de la chaîne a-t-il précisé depuis.
    Laurent Bazin tient aussi un blog (http://canalplusblog.typepad.com/bazin ) sur lequel il retranscrit,
    par exemple dans la rubrique off, des propos qu'il ne peut pas relater ailleurs, parce que prononcés
    hors micro. Il avait décidé de parler à ses weblecteurs de ce repas place Beauvau. La direction de la
    chaîne (I-télévision, groupe Canal plus) lui a demandé de retirer ce texte, intitulé Nicolas Sarkozy
    dans son assiette, de sa page. Ce qu'il a fait. Plus pour faire chier cette détestable règle du off que
    pour le contenu peu révolutionnaire du texte, je le reproduis ici (il y a quand même quelques perles)
    ou vous pouvez le retrouver là (cliquez moi dessus, j'adore ça! ).

    Nicolas Sarkozy dans son assiette
    Ce mercredi midi, la rédaction d'I>télé était invitée à manger place Beauvau avec le ministre de
    l'Intérieur. Un déjeuner off dans la plus pure tradition, bien entendu.
    R.V. 13 heures... 13h15, arrivée du Ministre de l'Intérieur, souriant, costume gris élégant, chemise
    bleue ciel, cravate bleue soutenue. Jolie montre au poignet. Le portable est posé sur la table à sa
    droite. Un bouton-pressoir noir à coté du verre pour sonner les serveurs.
    Entrée en matière simple et de bon aloi :
    "Ah, vous êtes plus sympas là que lorsque je vous écoute parler de moi à la télé. Vous
    m'épargnez pas... La petite là (Valentine Lopez du service politique, assise à sa gauche,
    ndlr) : visage d'ange, mais elle jamais un mot gentil. Que des méchancetés. Elle me
    loupe jamais.
    Le tout, bonhomme, sans cesser de plaisanter, en fixant la directrice Générale de la chaine et le
    directeur de la rédaction assis en face de lui.
    Suit le refrain désormais bien connu (Charles Pasqua, l'avais étrenné en 1986 lors des manifs
    étudiantes) :
    "les journalistes de toute façon, vous pouvez pas vous en empécher. La campagne de
    Ségolène Royal c'est formidable, mon entrée en campagne, c'est nul. C'est sociologique,
    chez vous : vous êtes 2/3 de gauche, pour 1/3 de droite."
    L'entrée vient d'arriver : Coquilles Saint Jacques poëlées. Salade mélangée et volaille émincée pour
    le Ministre.
    Itélé, ce n'est donc pas sa tasse de thé ? Regard vers son conseiller en communication Franck
    Louvrier :
    "Ah! Franck m'a dit de ne pas y aller trop fort, alors... (sourire) Je ne dis pas tout ce que
    je pense de vous. Je ne veux pas qu'on se fâche. Mais Cécilia, en revanche, elle aime
    bien I>télé, elle dit que c'est la chaine la plus ouverte, la plus variée. Enfin, il faut
    reconnaitre que vous avez beaucoup progressé"".
    L'entrée en matière épuisée, le rapport de force installé, on passe aux questions politiques. Arrivée
    du plat de résistance : un filet de bar sur un risotto aux champignons et légumes verts pour nous,
    une deuxième assiette de crudités et son émincé pour Nicolas Sarkozy (régime, régime...).
    Ségolène Royal ? Elle ne l'inquiète pas, même si il s'agace des grâces que lui font les medias.

    "Non, elle ne va pas s'effondrer, c'est macho de dire ça. Elle est intelligente, solide,
    courageuse. Non, elle ne s'effondrera pas. Mais il faut lui opposer les idées. Moi, je
    serais sur le terrain des idées. Poli, courtois, mais intraitable sur le fond. C'est une
    femme, mais c'est surtout une responsable politique. Ca fait 20 ans qu'elle est là. Et puis
    Ségolène Royal, c'est moi qui lui ai ouvert la voie. Si je n'avais pas pris l'UMP comme
    ça, contre Chirac, vous croyez qu'elle aurait pu bousculer les élephants du PS. Jamais...
    Maintenant, les français attendent le match. Le match des nouveaux. Ils ne vont pas être
    décus. Je la sens bien cette campagne. Vous allez voir le sondage IPSOS qui sort cet
    après midi. Je repasse en tête, j'ai 51% au second tour."

    En attendant, il y a débats à l'UMP à partir de samedi. Ca compte ? Il balaie l'affaire d'un revers de
    main.
    "Le moins possible. De toute façon les jeux sont faits. Alliot Marie a perdu 9 points
    dans le dernier sondageMoi je serais sur une chaise, peut-être même sans cravate.
    J'écouterais, je répondrais. De ma chaise. Ne pas en faire trop. Et si MAM me reprend
    sur la discrimination positive, cette fois je répondrais calmement. La première fois (lors
    de la convention du projet en novembre) j'ai été surpris. C'était une erreur".
    Bayrou. "Je n'en parle pas, je ne critique pas. Ses électeurs voteront pour moi au second tour, je ne
    l'attaquerai pas. Je dis juste qu'il se trompe de chemin".
    Le Pen. Il l'aura, un jour il l'aura...
    "Mais on ne fait pas reculer Le Pen en étant Ministre de l'Intérieur. Il faut pouvoir agir
    sur tous les terrains. Redonner espoir dans l'avenir. Redonner espoir. Dans les années
    50/60 l'avenir était un espoir. Au creux des années 80/90, il est devenu une peur. Il faut
    redonner espoir. Le Pen il est là depuis 1983, avec les magouilles de Mitterand... On ne
    le chasssera pas comme ça... "
    Et Jacques Chirac ? Il parait qu'il regarde LCI, lui.
    "Oui. Il regarde toute la journée mais on ne parle plus beaucoup de lui. Franchement, je
    ne voudrais pas être à sa place".
    Il revient sur sa gestion de medias. Pas trop, "ca use"... Depuis la rentrée il n'a fait que PPDA,
    Chabot ("Trois heures, six millions de télespectateurs, vous avez vu ca ? Je suis le seul à faire ça."),
    Inter une fois, RTL une fois et deux fois Europe 1. "Elkabbach c'est le meilleur. Lui, il travaille. Ca
    me rassure".
    Le dessert arrive. Un flan au pomme, très fin avec sa boule de vanille couronnée d'une chips de
    pomme. Pour nous... Nicolas Sarkozy se contente d'un bol de fromage blanc avec son coulis de
    fraise (sans sucre?) et enchaine sur sa vision de l'ecole.
    Spectaculaire mémoire. Il connait par coeur, mot après mot le discours prononcé quelques semaines
    plus tôt sur l'Education. "entre l'uniforme et le jean qui laisse beaucoup trop voir, il y a une marge",
    dit-il (mais il ne dit pas "string", parce Ségolène Royal l'a déjà fait). Je veux une école sans
    casquettes vissées sur la tête, sans portables, ou les élèves se lèvent lorsque le prof entre dans la
    pièce".
    Nostalgie ? Non, retour à quelques bonne vieilles valeurs dans un monde qui "change si vite". Les
    parents attablés acquiessent. Nathalie (Ianetta) demande dans un éclat de rire si il ne veut pas venir
    chez elle donner quelques leçons à son fils Oscar. Nicolas Sarkozy rigole à son tour.
    A cet instant, les assiettes ont disparu. On sert le café avec de joli truffes carrées et du sucre de
    canne. Sarkozy le guerrier, l'homme dont la jambe droite n'a pas cessé de s'agiter depuis une heure,
    se laisse - apparemment - aller à l'évocation de quelques souvenirs.
    Il raconte les plaisirs simples de son enfance. Les escapades au café avec "son grand père qui l'a
    élevé", le trajet en métro, le jus d'orange presque rituel de ces sorties magiques, la main dans celle
    du Docteur Malah. Sarkozy enfant se damnait, dit-il, pour ces moment là. Pour aller au spectacle on
    reservait quatre mois à l'avance. Ma mère nous achetait des vètements neufs, pour y aller... Des
    vètement neufs, c'était quelque chose. Attention, hein... On n'était pas pauvres. On était des
    bourgeois. Ca allait. Mais c'était tout de même quelquechose".
    Il parle de sa première emotion de cinéma. "Ben hur". "Avec Charlton Eston, celui de 59, hein, pas
    l'autre... quand je l'ai vu au Kino, ça faisait quatre ans qu'il était à l'affiche. Quatre ans, aujourd'hui
    un film ca rester quoi ? Trois semaines à l'affiche?".
    Aujourd'hui, il adore les bronzés 3 : "14 millions d'entrées. Il faut pas cracher sur un film parce qu'il
    a rencontré le public. C'est comme Jonathan Littel et ses "Bienveillantes" (qu'il a lu et apprécié
    même si certains passages l'ont mis mal à l'aise) : "250.000 exemplaires vendus sans un seul article
    de presse. Il s'est bien passé quelque chose, non ? On ne peut pas le nier". Et il affirme : "moi j'ai
    vendu plus de 400.000 exemplaires de "Témoignages". Ca c'est quelquechose, non ?".
    Retour à la littérature. Il dit que son livre préféré c'est le "voyage au bout de la nuit" de Celine. Qu'il
    adore Albert Cohen, et ces quarante pages ou Ariane attend Solal dans "Belle du seigneur". Que
    l'écrivain ait su se glisser avec une telle précision dans la tête d'une femme l'épate. Il est très
    sensible à ces quarante pages; C'est "son coté femme", dit-il.
    Et le voilà érudit : "C'est un livre que Cohen a écrit en 68, sur les bords du lac de Genèves. En 68...
    Il devait s'emmerder comme un rat". Il redevient sérieux : "Mais mon préféré de Cohen c'est le
    "livre à ma mère". Celui là, il l'a écrit en en 59. Et la preface, vous savez : "aux insensés qui pensent
    que leur mère est immortelle". Ca c'est fort, très fort.
    Il est 14.35, retour à la politique. Nicolas Sarkozy confie qu'il ne se voit pas faire ça toute sa vie.
    Surprise générale.
    "Deux mandats et c'est tout ?", glisse une journaliste. "Et encore, répond le candidat, si ca ne tenait
    qu'à moi je n'en ferais qu'un. Mais je ne peux pas. Tant d'espoirs reposent sur moi. Des millions de
    gens comptent sur moi. Je ne peux pas faire ça."
    Et après ? "Après j'irai dans le privé, gagner de l'argent. Je suis avocat, je peux réussir là. Mais j'ai
    aussi des amis qui me confieraient bien la tête d'une grande entreprise privée. L'argent, ça compte.
    Je n'ai pas de fortune personnelle. Ce qui compte dans la vie, c'est l'amour. De l'argent, c'est pour
    les siens, pour acheter une maison, un bel appartement. Offrir un appartement à ses enfants... Je ne
    veux pas être comme Giscard et Raffarin, un ancien le reste de ma vie à me trainer là, à me lamenter
    sur ce que je ne suis plus".
    14.45. Le ministre-président-candidat est reparti avec une franche poignée de main et un petit mot
    pour chacun. "C'était très sympa", me dit-il en me serrant chaleureusement le coude.
    Bien entendu, cher Zbiegnew c'était off. Et oui, Charles, les cuisiners de la Place Beauvau ont le
    tour de main... Mais on sait maintenant à quoi servent ces rencontrent off... Alors pourquoi se priver
    de vous le raconter. A moins que vous ne vouliez pas savoir ?




  • Commentaires

    1
    Dimanche 10 Décembre 2006 à 21:30
    je ne lirai plus le Monde
    Et dire que depuis quelques (courtes, certes) semaines, je me casse la tête à dépecer le Monde en ligne pour avoir une idée de ce qui se passe en France. C'est fini. Maintenant, je viendrai directement ici, c'est beaucoup plus intéressant, mieux raconté (raconté tout court, c'est ça la différence), et en plus, le tri est déà fait. Pourquoi s'embêter? Bizzzzzz ;)
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